Résumé :
Dans le cadre d’un projet-pilote de recherche-intervention sur la santé mentale du personnel enseignant (Viviers et coll. 2021-2023), j’ai développé un modèle d’analyse catégorielle en cliniques du travail qui traite des conditions de développement d’un pouvoir d’agir chez le corps enseignant (le corps forme une unité chez Durkheim). À la base, le projet-pilote vise à outiller des référents-métier (RM) avec diverses formations (sur l’animation, sur l’écoute) ainsi qu’un accompagnement continu au sein d’un comité Santé Mentale, Qualité de Vie, Organisation du Travail (SMQVOT). Ce comité paritaire est composé d’un membre de la direction et d’enseignants (RM) qui travailleront ensemble pour prévenir différentes situations de travail à risque qui affectent la santé mentale des enseignants. Il est aussi question de transformer l’organisation du travail en facilitant les conditions de développement du pouvoir d’agir. Mon projet s’inscrit en continuité avec ces visées. Pour l’essentiel, je reprends et interprète les contenus des rencontres de comités et de formations tenues dans une école secondaire entre mai 2022 et mai 2023. Ce séminaire vise à mettre en discussion mon cadre d’analyse réalisée dans une perspective du réalisme critique. D’emblée, j’affirme que le développement du pouvoir d’agir en cliniques du travail passe par trois types de pouvoirs causaux émergents : le pouvoir personnel (capacité réflexive de la personne — acteur — dans la conduite d’une vie), le pouvoir culturel (relations entre les idées) et le pouvoir structurel (relations entre positions sociales). Par la suite, ces trois types de pouvoirs peuvent être analysés sur deux niveaux (le niveau du monde vécu et le niveau systémique). Ces trois types de pouvoirs sont dynamisés par les normes et les valeurs, car ils contiennent dialectiquement les éléments de la réalité concrète et symbolique des enseignants. Ce que je cherche à montrer avec ce projet, c’est que le développement du pouvoir d’agir est un processus limité et dynamique pour l’émancipation. Il y aura toujours présence d’une contradiction créatrice entre les intentions des acteurs, la parole risquée et les résultats concrets obtenus ou en voie d’obtention, car les tensions entre les affects, les rôles et les rapports objectifs du travail enseignant débordent toujours le cadre des tâches prescrites. Le projet-pilote ainsi que mon analyse s’inscrivent à contre-courant de la normalité sociopolitique et de ce qu’elle conditionne. Du coup, le recours à la santé mentale dans un contexte comportementaliste et pharmacologique devient un modèle prescriptif de contrôle qui empêche les processus de développement de la subjectivité au travail. C’est cette perspective que je développerai dans le cadre de ce séminaire lors d’une présentation d’une heure, qui sera suivie d’une discussion d’environ une heure également.
À propos du conférencier :
David Auclair est docteur en sociologie de l’Université du Québec à Montréal et chercheur postdoctorant pour le Projet pilote de recherche-intervention portant sur la santé mentale du personnel enseignant mené conjointement par l’Université Laval et trois autres universités québécoises. L’épistémologie de la sociologie et de la psychologie ainsi que les programmes éducatifs nationaux et internationaux sont au cœur de ses travaux de recherche. À partir des concepts d’autorité, de moralité et de normalité, il étudie les mécanismes socionormatifs qui président aux interventions comportementalistes et pharmacologiques dans les milieux éducatifs.
Activité gratuite et inscription obligatoire au plus tard le 2 juin 2023 à l’adresse equipeRT@fse.ulaval.ca